On tente de transformer la ville de la gloire russe en rempart de l’indépendance ukrainienne.
Par Igor Elkov; (Rossiiskaia Gazeta 22/05/08)
Marcher au pas et danser

- Je ne m’imagine pas comment je vais continuer à vivre sans le poste N°1, - se désole Nastia avec une franchise désarmante. – Demain c’est la dernière fois que j’y monterai la garde. Ici se sont seulement les écoliers qui montent la garde et moi j’ai terminée l’école…
A Sébastopol, on appelle le poste N°1, la garde d’honneur que montent de jeunes écoliers en uniforme dans le centre de la ville, sur la place Nakhimov. Pour cette garde d’honneur, à coté du mémorial pour la défense héroïque de Sébastopol durant les années 1941 – 42, on ne laisse venir que les meilleurs des meilleurs. Chaque heure, au pas cadencé, avance la relève de la garde.
Nastia, l’une des factionnaires. Parle de son « service » passionnément, comme parleraient ses camarades de Moscou à propos d’une expédition dans les magasins. Au premier regard on a le sentiment que la jeune fille ne fait que répéter des mots appris par cœur : De la fierté, de l’honneur, de la confiance. Et puis, brusquement tu comprends qu’elle veut y croire, le cynisme des mégapoles n’a pas encore englouti toute la Crimée.
- Nous sommes le visage de toute la ville – dit, convaincue, la jeune fille. – Et ce que tu ressens à ce poste, tu ne peux pas l’exprimer simplement avec des mots. Pour être franche, rester en faction sans un frémissement, marcher au pas, ce n’est pas facile. Mais vous ne me croirez pas, mais je ne fatigue pas du tout ! C’est une sensation féerique !
Sébastopol et tous ce qui se passe actuellement dans cette ville, on a coutume de le voir à travers le prisme de la dissension entre slaves. Cette ville de légende est, pour beaucoup, orienté vers la Russie, cela dérange Kiev qui essaye de réécrire l’Histoire… Dans la réalité, les choses ne sont pas si simples…
La mère de Nastia Gara vient de Russie, de la république des Komis, elle travaille dans une compagnie pétrolière russe. Son papa est d’Ukraine occidentale, c’est un constructeur. Son grand-père a été au front, sa grand-mère était une partisane. Son grand-père est parti combattre en 41, en 42 il a été fait prisonnier, il a été en camps de concentration. Ce sont les Français qui l’ont libéré et l’ont remis au pouvoir soviétique. Arrivé chez lui, il a été tout de suite dans un camp de filtration et, delà, directement en république de Komi, travailler comme bûcheron. Nastia dit : On l’a désigné comme traître et on l’a envoyé dans un bataillon disciplinaire. En réalité c’était un bataillon disciplinaire de travail. C’est la-bas qu’il a rencontré la grand-mère de Nastia. Ils n’avaient pratiquement rien à manger et la grand-mère travaillait aux cuisines, elle leur apportait des épluchures de pomme de terre. Le grand-père à été bûcheron en Sibérie jusqu’en 1956, tant qu’il n’a pas reçut son passeport intérieur. Toute la famille a déménagée à Novaia Kakhovka sur le chantier d’une centrale électrique et plus tard, en Crimée…
J’imagine que l’histoire de la famille de Nastia, c’est une véritable prise de tête pour les politologues et historiens des
deux pays. D’après son passeport elle est ukrainienne. Par sa façon de penser, c’est une patriote de Sébastopol, ni de Russie, ni d’Ukraine, tout simplement de ce morceau de chois qu’est Sébastopol, dont l’image est restée chez les gens de l’ancienne génération, un brin soviétique. C’est comme cela.
Nastia ne s’intéresse pas à la politique ; il y a deux choses qu’elle aime particulièrement : danser et marcher au pas cadencé. Elle s’intéresse un peu à la littérature, elle écrit des vers et rêve de rentrer à la faculté de droit. Pas obligatoirement en Crimée ou en Ukraine. Il n’est pas exclu qu’elle tante sa chance dans la patrie historique de sa mère, en Russie.
- Peut être que je deviendrais juge d'instruction, - pense la jeune fille. – ou, peut être même procureur.
Déjà après notre départ de Crimée, une nouvelle est tombée sur le téléscripteur : « A Sébastopol on faîte l’anniversaire de l’union des organisations de jeunesse de la ville héros, dans le défilé prennent part plus de 10 milles écoliers. »
Tout est compris
Mais, d’un jour à l’autre, par les villes et les chemins de Crimée « défilerons » d’autres personnages. La saison thermale va commencer. L’an dernier, plus de cinq millions de vacanciers ont visités la Crimée.
Cette année, d’après les pronostiques, pas moins de six millions de visiteurs sont attendus.
Il est attendu cette saison plus de gens venant de Russie. Mais le touriste principal, d’après le ministre du tourisme et du thermalisme de Crimée, Vladimir Savelev, se sont les Ukrainiens. Les prix vont augmenter mais, cela n’arrêtera personne. Il est attendu des touristes de l'étranger : les Allemands omniprésents, des Anglais, des Français et, si étrange que cela puisse paraître, des Turcs. La Turquie étant considérée comme la principale destination touristique, concurrente de la Crimée.
- Cela fait déjà beaucoup d'années d’affilés que nous venons nous reposer en Crimée, - disent Léna et Marat, un couple de la région de Moscou. – On a été en Turquie, on a plutôt aimé. L'avantage principal de la Turquie – les prix où tout est inclus. Par contre la Crimée a deux avantages important et concurrentiels. Primo : on y va par le train. C'est important pour ceux qui ont peur en avions. Et le billet est assez bon marché : Dans un wagon à places réservées, de Moscou jusqu'à Simféropol, cela coûte 1300 roubles (moins de 40€.)
Deuxièmement : Et la langue et la mentalité sont les mêmes. Et puis les commerçants ne sont pas harcelants.
Léna et Marat louent une chambre dans ce que l’on appèle le secteur privé. Ce plaisir revient à 30$ par jour en début de saison (l’année dernière c’était 20$.) Au mois de juillet le prix monte jusqu'à 40$. Les prix en Crimée sont considérés comme mesurés. Pour 40 ou 50 Grivnas ( 1 grivna = 0,135€) on peut manger correctement. La bière, c’est le même prix qu’en Russie (4-5 Grivna) Un trajet en « marchroutka » (sorte de taxi collectif, appelé en Crimée « Topik ») coûte 1,5 grivna (…)
Les autorités veulent très sérieusement amener le confort et les services au niveau des standards occidentaux. Une tâche ambitieuse, mais en principe faisable. Mais pour l’instant ce n’est pas tant l’amélioration du service qui réussit mais d’organier les vacances selon les règles occidentales. Par exemple, cette année il est interdit de se faire photographier avec des animaux sauvages. Les défenseurs des animaux ont convaincu les autorités que les photographes de rue commettent des atrocités : En enroulant avec du scotch la gueule des crocodiles, en droguant les guenons, et rendent les chouettes aveugles à cause des flashs.
Une attention particulière à été donnée à l’écologie et à la sécurité. Les plongeurs du ministère des situations d’urgence contrôlent les plages de Crimée à la recherche d’objet dangereux et notamment des obus.
Les Yankees dans le jardin
A propos de bombes. La veille, « en passant, » la frégate américaine lance-missiles ; John L. Hall, est venue jeter un coup d’œil. Formellement, l’Américain est venu pour le 9 mai, jour de la victoire, malgré tout, ce sont des alliés de la deuxième guerre mondiale, mais après la fête de la victoire, le navire n’a pas repris la mer, s’invitant jusqu’à la parade de la flotte de la mer noire.
Pour cette frégate on a réuni des conditions spéciales de sécurité et étudié soigneusement les fonds marins de la baie pour éviter des mines.
Le fait est que l’année dernière, lors d’une visite analogue des Américains,il fallut vivre des heures désagréables : En raison d’une conjoncture étrange, non loin de leur navire, a émergée dans la baie, une vieille mine marine... Ce à quoi vous pensez maintenant semble très clair. Mais on n’a pas trouvé de preuves de ce qu’un méchant projet se préparait. C’étaient simplement des échos de la guerre.
Mais pour cette fois, pour les Yankees leur visite en Crimée s’est même passée sans sport extrême : Soit toutes les mines furent repêchées, soit les Américains ont eux simplement de la chance. Les organisations locales de vétérans ont d’abord voulus faire des piquets devant la frégate, mais ont finis par changer d’avis.
Pour l’anniversaire de la victoire sur le fascisme, les marins américains ont organisés une grande réception sur leur frégate. La flotte russe « ne fut pas remarquée » par les Yankees, les congratulations pour le jour de la victoire s’adressaient exclusivement aux alliés ukrainiens.
- La frégate à voile « Pallada » faisait un tour du monde – a raconté aux correspondants de « R.G. » son capitaine, Nikolaï Zortchenko. – Pour pouvoir arriver à temps à Sébastopol, nous avons remis notre escale à Alger et, il s’est trouvé que nous nous sommes amarrés en voisin de la frégate américaine.
- c’est pour cela qu’ils nous ont invité, - continu Dmitri Teslenko, L'officier en second de la « Pallada. » - Il aurait mieux valut que nous n’allions pas sur le navire américain. Au début se fut simplement gênant, puis ce fut carrément répugnant. Nous sentions que nous n’étions pas à notre place. Les Yankees et les militaires ukrainiens s’encensaient mutuellement. Nous étions tout simplement ignorés.
On peut pardonner aux américains, leurs connaissances historiques sont plutôt succinctes. Mais les officiers ukrainiens ne devaient pas avoir encore oublié leur Histoire.
- Finalement, quand la partie officielle s'est achevée, les diplomates et le commandant de la frégate se sont approchés de nous, - continue le second de la "Pallada". – ils nous ont dits qu’ils ne nous avaient, simplement, pas remarqué, et se sont excusés d’avoir oublié la Russie. Aucun Ukrainien ne s'est approché de nous.
Il est possible que cela soit par jalousie. Leur flotte, comme leur armée, vit des temps difficiles Le ministère de la défense à décidé de réduire le nombre d’appelé à 150 milles militaires ( il y a peu, ils étaient 245 milles.) Il est vrai qu’on à jeté un peu de sous aux militaires ; Les contractuels du rang touchent 850 grivnas (114€) les lieutenants 1700 grivnas (228€.)
Sur les navires, la paye est plus généreuse. Le matelot contractuel touche à partir de 1100 grivnas plus une prime appréciable au moment de la signature du contrat, un uniforme gratuit, quatre repas par jour, un hébergement en collectivité au sol. Le temps de travail est réglementé : 5 jours travaillés de 7h20 à 17h50.
Le militaire de l’armée de terre ukrainienne a parfois la chance financière de combattre en Irak. Dans ce cas l’homme de troupe perçoit 700$ et les officiers perçoivent jusqu’à 1200$. Il y a pas si longtemps, le vice-ministre Alexandre Kouzmouk à conseillé de payer au contractuels pas moins de 3000 grivnas, aux lieutenants entre 4500 et 5000 grivnas, aux colonels, 7000 grivnas et aux généraux et aux amiraux jusqu'à 9000 grivnas.
Mais ce ne sont que des perspectives. Pour l’instant la réalité est que 48 milles officiers sont sans logement alors que les amiraux n’ont que quelques navires capables de prendre la mer. On n’arrive pas à réparer depuis plusieurs années l’unique sous-marin « Zaporizhia. »
La flotte russe de la mer noire, en vérité, a connu de meilleurs temps. Mais la parade pour les 225 ans de sa création, a montré qu’il y a encore de la poudre dans les poudrières; et que des navires de la classe du croiseur lance-missiles « Moskva,» il n’y en aura jamais chez les collègues ukrainiens. Le ministère de la défense d’Ukraine a décidé de ne pas construire de navires plus importants qu’une corvette.
Pour ne pas déranger inutilement les marins ukrainiens, le commandement de la flotte russe de la mer noir a confidentialisé les données concernant le niveau matériel des officiers. On peut dire que nos officiers ont de meilleurs appartements et qu’on les paye mieux. Mais le plus important, c’est qu’ils sortent en mer plus souvent. Ce qui veut dire qu’ils ont le droit de se faire appeler de véritables marins.
Après le bal
- Sébastopol est une ville étonnante – reconnaît le capitaine de la « Pallada » Nicolaï Zortchenko, - Et les gens ! On ne
trouve pas partout de tels patriotes de la Russie. Ils sont intérieurement et dans leur apparence des Russes. Grâce à eux, Sébastopol est la ville la plus russe et pas seulement de Crimée mais aussi de Russie.
- Vous demandez de quoi nous, habitant de Sébastopol, avons besoin de la part de la Russie ? - Hausse des épaules Boris Vassilevitch, un marin sébastolite de souche nous ayant organisé une visite sur un navire de secours de la flotte de la mer noire. - Mais, rien de particulier. Simplement, essayez de conserver cette parcelle de Russie, qu’il y a ici.
Boris Vassilevitch a 59 ans, dont 58 passés en Crimée. D’après lui, beaucoup de gens qui ont applaudis Loujkov (le maire de Moscou) ne l’ont pas seulement fait parce qu’il peut ou veut changer le statu de la Crimée. Les gens ont du plaisir à constater que les hauts fonctionnaires de Russie se souviennent d’eux. Cela n’est déjà pas si mal.
Après l’intervention enflammée du maire de Moscou à la parade de la flotte, les passions en Crimée se sont exacerbées. Rien de grave ne s’est passé. Simplement les habitants prorusses demandent encore plus activement la tenue d’un referendum afin d’annuler le départ de la flotte russe prévu en 2017. Parallèlement leurs adversaires proposent de montrer la porte à la flotte étrangère sans attendre la date prévue.
En même temps tous comprennent qu’aucun de leur projet n’est réellement réalisable. Le référendum sera interdit, et la flotte ne partira nulle part avant la date prévue. Dans le cas contraire les suites en seront catastrophiques ; Sans compter les milliers de militaires qui dépensent leur revenu là où ils résident et sans prendre en compte, que l’alimentation des militaires de la flotte de la mer noire et achetée en Ukraine, comment peut on simplement ignorer les gens travaillants pour la flotte. Ils sont vingt cinq milles, c’est comme ci demain un sébastopolite sur dix se retrouvait sans travail. L’économie de la presqu’île résisteras-t-elle ?
Et puis, il y a eu quelque chose de semblable en 1995 lors du partage des biens de la flotte de la mer noire. Les forces maritimes d’Ukraine reçurent un projet top secret dit « projet 825 GuéTS » Dans la falaise à côté de Balaklava de 1957 à 1961, à la suite d’efforts titianesques, on a creusé une usine militaire. Un canal souterrain de 380 mètres pouvant contenir sept sous-marins. L’installation pouvait résister à une frappe nucléaire et continuer à fonctionner pendant trois ans, tout en hébergeant la population de Sébastopol. Il y avait une boulangerie, des entrepôts, un hôpital.
Une caverne aux miracles a été vite inventée pour cette installation, comme une digne application civile. Créer un musée de "la guerre froide" : avec un hôtel et un vrai sous-marin. Mais jusqu'à aujourd’hui il n’y a ni hôtel, ni sous-marin. Et tout a été pillé. Dans la presse locale le projet ne fut plus appelé autrement que comme "un loupé à la façon de Balaklava.»
Il est fort possible que cela soit une anticipation de ce qui attend les bases de la flotte en cas du départ hypothétique de celle-ci.
Traduction: Sarah P. Struve
