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25 mars 2022 5 25 /03 /mars /2022 06:01

 

Dmitri Stechine, est un journaliste russe, travaillant pour le journal « Kosomolskaia pravda. » il y est, entre autre, correspondant de guerre et a couvert différents théâtres de guerres, tels que la Libye, la Syrie, l'Ossétie du sud. Ces derniers jours, il était à Marioupol, c'est de là-bas qu'il envoie des notes sur sa page Telegram. Voici la traduction de l'un de ses postes.

 

Note de Marioupol

La guerre a des détails terribles, que le témoin ne réalise qu'après. Le psychisme sépare ce qui est vu : sang / intestin et horreur infernale, séparément. Sinon, la conscience et l'esprit ne le supporteront pas. Aujourd'hui, j'ai retravaillé dans ma tête ce que j'ai vu à Marioupol. La première image provoque une sorte de tristesse implacable : un corps d'enfant dans un sac de linge de lit, juste à l'échangeur à l'entrée de la ville. Un magasin "O'stin," Une exposition de jouets pour enfants près d'un passage. Une sorte de cabinet psy de débriefing. Pour comprendre, à une dizaine de mètres de ce cabinet, sous une couverture, se trouve une vieille dame morte avec une cane brisée par des éclats d'obus. Comme tous les morts à la guerre, les personnes âgées n'ont tout simplement pas eu le temps de s'abriter. Et la troisième chose, la pire, qui m'afflige jusqu'à présent... J'enregistrai une vidéo et une femme avec un garçon de 15 ans est venue me voir. Ils avaient sur leur tête des bandanas blancs éblouissants faits de draps. La femme m'a pris pour un officiel et a commencé à me torturer avec des questions :
- Notre grand-mère a la maladie de Parkinson, où prendre les médicaments ? Vous n'en avez pas ?
- Non, je n'ai pas de médicaments.
- C'est un médicament rare, on n'en trouve pas partout. Il y a l'hôpital N°17 à côté. D'après vous, on peut y aller ?
J'ai jeté un regard sur les côtés. Il ne se passait rien autour, bien sûr, mais en temps de guerre, les gens grouillaient devant l'hôpital. Je me suis décidé à lui donner un conseil :
- Allez y, bien sûr, vous voyez, les gens tout autour. Si le médicament est rare, peut-être que personne n'en a besoin.
- On peut y aller, sûr?
Je haussai les épaules, je voulais terminer cette conversation, elle était douloureuse et je ne savais pas encore ce qui me stressait.
- Allez-y, vous voyez, je suis là sur la place !
La femme a remercié et est partie. Je me souviens encore que dans les coins des yeux, elle avait des traces de sel, comme des larmes séchées.
Exactement cinq minutes plus tard, suffisamment de temps pour que mon interlocutrice et son fils atteignent cet hôpital, les "Azov"* l'ont couvert d'un paquet de "Grad."
J'ai envoyé à la mort mon interlocutrice, je lui ai donné mon assurance. Je n'ai aucun moyen de savoir si elle est en vie, si son fils est en vie, et que cela s'agrippe à moi tel un lourd péché. De toute façon, à la guerre, on ne peut l'éviter.

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* "Azov" ~ Bataillon nazi intégré à l'armée ukrainienne.

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  • : STENGAZETA - ПАРИЖСКАЯ СТЕНГАЗЕТА
  • : Le mot « Stengazeta » est un acronyme voulant dire « journal mural ». Stengazeta de Paris publie des traductions de chansons russes contemporaines et/ou populaires, ainsi que des articles d'opinions. Il m’a semblé utile, de faire percevoir à travers ce blog, la Russie et ses cultures, hors du prisme propagandiste et réducteur que véhiculent les pouvoirs politiques, économiques & médiatiques occidentaux. S. P Struve
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